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(RSV)
Au sommet de l’Etat, pression, chantage et insubordination

Catapultés au sommet de l’Etat sans élections ni coup d'État, le Conseil présidentiel de transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille jouent aux échecs.


Catapultés au sommet de l’Etat sans élections ni coup d'État, le Conseil présidentiel de transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille jouent aux échecs. Le CPT, fragilisé, a un objectif déclaré : le remaniement ministériel. Pour faire main basse sur deux portefeuilles ministériels, ont assuré nos sources. Les Affaires étrangères et la Justice sont dans la ligne de mire.

Mme Dominique Dupuy, sa ligne dure face aux Dominicains, engagés dans un rapatriement massif, non coordonné de migrants illégaux haïtiens, irrite. A la Villa d’Accueil comme à El Palacio Nacional à Santo Domingo. Le poste de M. Carlos Hercule est demandé. Pas uniquement par les trois conseillers inculpés après la transmission du réquisitoire du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince dans le scandale de corruption présumé de la BNC.

Sur l’échiquier, des pions sont déplacés. Le dernier, depuis plus d’une semaine, est considéré comme un « chantage » par une source gouvernementale. Le PM a été notifié de la signature d’une résolution par 5 sur 7 membres votants du CPT visant à le renvoyer. Laurent St Cyr et Edgard Leblanc Fils n’ont pas signé cette résolution, a poursuivi notre source.

« Qu’ils envoient ou non cette résolution au journal Le Moniteur, cela reste à voir. Mais ils ont laissé entendre au PM que cette résolution a été signée. Des milieux diplomatiques sont aussi au courant de l’existence de cette résolution », a expliqué notre source, inquiète des conséquences de cette situation sur le fonctionnement de l’Etat, sur l’atteinte dans les délais des objectifs de la transition.

Depuis l’accession de Leslie Voltaire à la présidence du Conseil, il n’y a pas eu un seul conseil des ministres, a noté cette source.

Une autre source, celle-ci proche du CPT, ne parle pas de chantage. Mais elle pense que cette résolution, non encore envoyée au journal Le Moniteur, est « un moyen de pression pour amener  le PM Conille à accepter le remaniement ».

Cette source a aussi confirmé que « presque tous les conseillers votants veulent le départ de Mme Dupuy et de M. Hercule ». Notre source a reconnu que le CPT est fragilisé, traîne un déficit à cause de l’inculpation de trois conseillers dans l’affaire BNC.

Cette résolution non publiée est un secret de polichinelle. « J’ai ouï dire qu’il existe une résolution signée par au moins cinq conseillers du Conseil présidentiel de transition pour renvoyer le Premier ministre Gary Conille s’il n’accepte pas de remanier le gouvernement », a confié à Le Nouvelliste l’ex-Premier ministre a.i. Claude Joseph, leader de EDE, qui a exigé du conseiller Smith Augustin son retrait du CPT.

« A mon humble avis, le CPT doit aujourd’hui s’occuper de la situation des 3 conseillers inculpés pour leur implication dans le scandale de corruption de la BNC, ce qui constitue un véritable handicap à la réussite de la transition. En outre, a poursuivi Claude Joseph, le droit de cette transition limite les prérogatives du CPT concernant le renvoi d’un PM. L’article 37 du décret du 29 mai portant organisation et fonctionnement du CPT est très clair : «En cas de présomptions graves, de corruption dûment constaté ou de déficit de gouvernance documenté et présenté par l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) met fin aux fonctions du Premier Ministre par la présentation par celui-ci de la démission de son gouvernement ».

« Or, a poursuivi Claude Joseph, il arrive que l’OCAG n’existe pas aujourd’hui à cause de la volonté des membres du CPT de s’éloigner de plus en plus des secteurs qu’ils sont censés représenter. Le coup d'État sur l’Accord du 3 avril qui est la loi des parties, orchestré par les autorités de cette transition, est aujourd’hui consommé. Ce qui fait que les secteurs ne peuvent pas assumer un rôle de médiation et de facilitateur. Si le CPT n’avait pas orchestré ce coup d’état contre l’Accord du 3 avril, l’Assemblée des secteurs aurait déjà constitué de concert avec le Conseil Présidentiel, comme le veut l’article 47.1 dudit accord, une Commission de Conciliation de neuf (9) membres, chargée de faciliter l’harmonisation entre les membres du CP et entre le CP et les autres organes de la Transition en cas de différends », a longuement expliqué Claude Joseph. 

«  Cette résolution existe. Je ne sais pas si elle est signée. Mais les trois conseillers inculpés dans le scandale de la BNC ne peuvent pas prendre de décision pour engager le pays », a confié à Le Nouvelliste, Pierre Espérance du RNDDH.

L’une des figures de l’accord du 21 décembre, Me André Michel, a indiqué que « l’accord du 21 décembre n’est pas au courant de l’existence d’une résolution du CPT renvoyant le Premier ministre. De plus, a dit Me André Michel, les textes fondateurs de la transition (le Consensus de la Jamaïque du 11 mars 2024, l’accord du 3 avril 2024, le décret du 12 avril 2024, le décret du 23 mai 2024) ne donnent pas au CPT le pouvoir de renvoyer le Premier ministre. Bien entendu, a-t-il poursuivi, exceptionnellement, l’article 37 du décret du  23 mai 2024 stipule qu’en cas de présomptions graves de corruptions et de déficit de gouvernance, dûment constatés par l’Organe de contrôle de l’action gouvernementale (OCAG), le CPT met fin à la mission du Premier ministre par la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Cette disposition existe aussi dans l’accord du 3 avril 2024. Aujourd’hui, a fait remarquer Me André Michel, l’Organe de contrôle de l’action gouvernementale ( OCAG) n’est même pas encore créé. » «  Il n’y a, a-t-il soutenu, aucune possibilité pour le CPT de renvoyer le Premier ministre. Le CPT ne peut pas prendre cette disposition », a dit l’avocat qui s’est fendu d’un conseil. « Je conseille plutôt aux autres membres du CPT d’agir pour la mise à l’écart des 3 conseillers présidentiels inculpés dans le dossier de la BNC, conformément à l’article 2 du Décret du 12 Avril 2024, ce, pour permettre au Conseil présidentiel de reprendre sa crédibilité et son autorité morale », a dit Me André Michel.

« Nous avons déjà rencontré le Premier ministre Gary Conille.  Nous sommes plus que jamais disposés à rencontrer l’architecte Leslie Voltaire, président du CPT, pour lever, comme vous le dites, l’hypothèque qu’il y a sur la réussite de la transition », a répondu Me André Michel au journal.

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« L’accord du 21 Décembre appelle les différentes parties prenantes à assumer leurs responsabilités, dans le dialogue et la concertation, pour sauver le processus transitionnel en cours », a-t-il dit.

Ni volonté ni signe de désescalade…

Une source proche du collectif du 30 janvier a confié qu’il y a un moment que l’on parle de cette résolution. «  Cela fait une bonne dizaine de jours que l’on parle de cette résolution du CPT pour renvoyer le PM Conille. Mais il y a un problème. Une résolution pour renvoyer le PM avec la participation des trois conseillers inculpés ne sera pas bien reçue tant au niveau national qu’international. C’est pour cela qu’il y a des conseillers censés qui pensent que ce n’est pas la meilleure attitude à avoir avec ces trois inculpés. Ce n’est pas la bonne route à emprunter. Une escalade de ce genre. Le CPT peut être la victime s' il emprunte cette voie », a indiqué notre source, soulignant « qu’au fond, les quatre conseillers votants savent qu’ils ne peuvent aller loin avec les trois inculpés ».

Sur la réunion des secteurs pour "sauver la transition", notre source a indiqué qu’il y a des « avancées ». Elle a cependant souligné qu’il est difficile d’avoir une réunion productive alors que M Voltaire et Conille sont en mode confrontation. « Il faut une volonté et des signes de désescalade. Pour le moment, je ne vois ni volonté ni signe de d’escalade », a poursuivi cette source. Entre-temps, la partie d’échecs au plus haut de l’exécutif continue, hypothéquant davantage les chances de réussite de cette transition. 


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